Renouveler notre pacte avec notre Messager est le souci capital de ce texte. Un pacte usé par l’écart creusé à travers le temps. La vision devient floue et fragmentée, et la relation terne et affaiblie.
Le voile intellectuel
Les textes s’interposent aujourd’hui entre les musulmans et la personne de cet auguste homme qu’est le Prophète. Ces précieuses sources écrites sont propices et suffisantes pour nouer un lien rationnel qui consiste à référencer des sources et en tirer des déductions logiques. Une relation rationnelle, donc profane.
En réduisant l’Islam à sa composante rationnelle, on retient de la personnalité du Prophète, puisse Dieu prier en sa faveur, les signes intellectuellement perceptibles d’un leader surdoué, d’un homme dévoué et d’un militant déterminé. On parle alors d’un modèle islamique qui prône un engagement militant au service d’une idée qui aboutit à la solution. Le cœur et le spirituel, écarté dans ce genre de construction, reste un sous-entendu, un tabou, une affaire privée.
La Naissance signifierait dans ce cas l’avènement d’une nouvelle juridiction ou philosophie mieux adaptée qui répond aux besoins d’une raison de plus en plus active, destinée à jouer un rôle inédit dans l’histoire de l’humanité.
Les liens du cœur
Ma relation avec le Messager, puisse Dieu le saluer, doit-elle être une relation essentiellement intellectuelle où j’apprécierais sa ligne de pensée et la littérature de ses récits ? Ou une relation communautaire ; puisque j’appartiens à sa grande communauté ? Ou une relation politique ; car j’adhère à une solution islamique qui opte pour la concertation comme principe de gouvernement ? Ou une relation juridique car je souhaite appliquer le droit musulman ?
Les premiers fidèles se sont joints au Prophète, car il fut la source de la guidée qui leur venait de Dieu ; il fut celui que Dieu leur envoya. Ils recherchaient Dieu. Mohammad était Son messager. Ils n’appliquaient pas des textes en l’absence d’un modèle, mais aimaient, suivaient et obéissaient à cet illustre être élu de Dieu envoyé comme miséricorde pour toute l’humanité de la part du Tout-Puissant et Compatissant.
Un homme, rapporte ‘Â-ichah l’épouse du Prophète, vint voir le Messager de Dieu et dit : « Tu es plus aimé de moi que ma famille et tous mes biens. Chez moi je me souviens de toi et je ne puis me retenir de venir et de te regarder. Mais j’ai pensé à ma mort et à ta mort et j’ai réalisé que lorsque tu rentreras au paradis tu seras élevé en compagnie des prophètes et que si j’y rentre, je ne pourrai plus te voir. » Dieu révéla alors : « Celui qui obéit à Dieu et Son Messager sera avec ceux comblés du bienfait de Dieu dont les prophètes, les véridiques, les martyrs et les pieux. Et quelle excellente compagnie ! »(1)
Dois-je alors avoir une relation de cœur avec le Messager de Dieu ? Oui ! et c’est l’amour d’abord.
Amour et joie du cœur
Aimer le Messager plus que tout, plus que soi est un signe du parachèvement de la foi. C’est ce qui fait goûter à la douceur de la foi. Quelle joie que de passer d’une « foi » que l’on récite à une foi que l’on goûte ! Pour cela, le cœur doit prendre sa place dans notre perception du Message et du Messager. Conjuguer le cœur et la raison. Le rationnel et le spirituel. Borgne sera notre perception si ne ressentant aucune joie dans nos cœurs suscitée par cet heureux événement, nous nous posons la question légitime « Est-il permis de célébrer la naissance du Prophète ? »
Certains raisonnements abusifs, dissuasifs et totalitaires avancés et propagés tentent aujourd’hui d’étouffer, sous peine d’innovation conduisant en Enfer, toute manifestation de joie, pieuse ou non, liée à la naissance du messager de Dieu. S’il est compréhensible que certains fervents légalistes restent sur leur garde, il n’y a pas de raison d’étendre la phobie à toute la communauté.
Loin de diviniser le Messager, le libre cours à l’amour et au respect doit rester un fleuve qui irrigue les cœurs joyeux de la guidée de leur Seigneur.
Abou Lahab, l’oncle du Prophète promis à l’Enfer dans le Coran, bénéficie d’un allégement tous les lundis, jour de naissance de son neveu où il montra une telle joie qu’il affranchit la servante « Thouwaïbah » qui vint lui annoncer la nouvelle. Le prophète célébrait le lundi, jour de sa naissance en le jeûnant. Il a célébré aussi le jour de salut de son frère le Prophète Moïse, dixième jour du mois lunaire de moharram, que la communauté juive de Médine célébrait aussi. S’appuyant sur ses arguments, des savants tels que Ibn Hajar al-‘Asqalânî auteur de Fath al-Bârî, As-Souyoutî éminent savant du neuvième siècle de l’Hégire, Abu Châmah maître de l’illustre Nawawî, As-Sakhâwî et autres se sont prononcés sur la légitimité juridique de célébrer cette naissance par des actes pieux d’adoration et de bienfaisance(2).
Les compagnons, sachant que les actions seules ne pouvaient les élever au degré du Prophète bien-aimé pour l’accompagner au paradis -nous, de même- étaient heureux de savoir que la voie de l’amour assurait cette précieuse compagnie. Un homme demanda au Prophète : « Quand l’heure ? » « Qu’as tu préparé pour elle, dit le Prophète ? » « Rien, dit l’homme, sauf que j’aime Dieu et Son messager. » Le Prophète de répondre : « Tu es avec celui que tu aimes. » » En rapportant ce Hadith, Anas le compagnon ajoute : « Nous n’avons jamais été autant heureux que lorsque le prophète a dit : « Tu es avec celui que tu aimes. » Et moi j’aime le Prophète, Abou Bakr et Omar et j’espère être avec eux de par mon amour pour eux bien que je n’aie pas œuvré autant qu’eux. »(3)
La naissance du Prophète est un geste d’attention particulier, de la part d’un Seigneur Patient et Indulgent, exprimé envers des humains qui ont oublié leur raison d’être, leur identité originale et leur prime nature. Les gens, distraits et insouciants, savent que la vie sur terre à une fin mais se laissent entraîner dans l’oubli, puis, interrogés par les anges dans la tombe, ils subissent la surprise, les remords.
Par ailleurs, la naissance du Prophète est une occasion pour l’élection divine parmi les humains. Les hommes et les femmes choisis par Dieu pour être compagnons de son Prophète ne pouvaient pas l’être sans cette opportunité. Pour nous aujourd’hui, plusieurs siècles plus tard, cette naissance n’est pas moins prometteuse, car l’élection divine se fera pour toujours. « Parmi ceux qui m’aiment le plus dans ma communauté, annonce le Prophète, il y a des gens qui viendront après moi. Pour me voir, ils seront prêts à abandonner leurs familles et leurs biens. »(4) Ces gens sont dits Frères du Prophète dans d’autres Hadiths(5) , et ils rejoignent les compagnons dans l’agrément que Dieu leur accorde. Dieu dit :« Les précurseurs parmi les Immigrés et les Auxiliaires ainsi que ceux qui les ont suivi sur la voie de l’excellence sont agréés de Dieu et ils L’agréent. »
La prétention de l’amour du Prophète fleurit chez les paresseux et les pervers. Nous devons accomplir vis-à-vis du Prophète un pacte à double volet : aimer et suivre.
Les vrais fidèles aiment le Prophète, le suivent et lui obéissent. C’est le signe du vrai amour, car Dieu dit : « Dis, si vous aimez Dieu suivez-moi. Dieu vous aimera et vous pardonnera vos pêchés. »
Renouveler son pacte
Renouveler notre pacte avec notre Messager est le souci capital de ce texte. Un pacte usé par l’écart creusé à travers le temps. La vision devient floue et fragmentée, et la relation terne et affaiblie. Renouveler ce pacte mal nourri par la simple référence aux textes et l’alignement juridique bon-gré, mal-gré sur les limites de Dieu, nécessite un modèle humain. Un avantage que les compagnons avaient en présence du Prophète. Pour les fervents chercheurs de la foi, le Prophète annonce des rénovateurs pour la communauté tous les siècles(6) et recommande à chacun de renouveler sa foi par la bonne parole « Il n’y a de dieu que Dieu. »(7)
Louange à Dieu d’abord et à la fin, et que Ses salutations aillent vers le Prophète Muhmmad, sa famille, ses compagnons et ses frères.
Notes :
1 Rapporté par Abou bakr al-Haïthamî dans Majma’ az-zouâ-id, Abou Nou’aïm dans Al-Hiliyah, at-Tabarânî dans al-Aoussat et as-Saghîr
2 Voir I’ânat at-Tâlibîn pp.363-364 édition Dâr al Fikr.
3 Rapporté par Boukhari, Mouslim et autres
4 Rapporté par Mouslim selon Abou Houraïra
5 Rapportés par at-Tabarânî, Ahmad, Abou Ya’lâ et autres
6 Hadith rapporté par Abou Dâwoud, al-Bayhaqî et al-Hâkim selon Abou Houraïra.
7 Hadith rapporté par Ahmad, at-Tabarânî
Source : https://www.psm-enligne.org/